Enjeux

Le contenu du colloque portera principalement sur deux points :

Une réflexion sur la nature des savoirs à capitaliser

Un des enjeux est de saisir des connaissances et des compétences qui ne sont pas statiques, mais s’élaborent dans une suite d’adaptations successives aux ressources disponibles, aux modifications de l’environnement et aux objectifs de gestion. Les savoirs agro-écologiques peuvent être des savoirs tacites, difficilement exprimables, non stabilisés, difficilement appréhendables dans un contexte classique de formation.
Nous posons alors l’hypothèse que le formateur devient accompagnateur dans l’émergence du savoir, posture qui doit permettre aux savoirs expérientiels d'entrer en résonance avec les savoirs stabilisés enseignés dans le cadre de l’enseignement formel.

L'enjeu est multiple :
Comment identifier les savoirs dans les discours et les pratiques ?
Comment les rendre explicites ?
Comment/sous quelle forme les collecter pour les diffuser ?
Dans quelle mesure un enseignant/formateur peut ne pas offrir de solutions directement utilisables à un futur professionnel ? ...

Enfin, le terme de “savoirs” étant souvent utilisé de manière générique, il nous faut s’entendre sur son acception. Prend-on en compte les savoirs ? les savoir-faire ? les compétences ? les pratiques ? les techniques ? Quelle influence cela a-t-il sur la méthodologie ?

Le travail devra éviter l'écueil de la "scientisation" des savoirs locaux au sens où ils pourraient être décontextualisés des processus sociaux, culturels, économiques, écologiques, techniques qui permettent leur élaboration, comme le rappelle Pascale Maïzi (2011). Privés de leur dimension sociale et dynamique, ils perdent de leur pertinence et deviennent des "recettes" stockées en base de données. Nous les aborderons plutôt en tant que système. L'enjeu est d'inventer un outil de collecte et de transmission des savoirs locaux qui rende compte de la valence sociale et du caractère dynamique de ces savoirs.

Enfin, la démarche qui vise à circonscrire les savoirs de l'expérience, les savoirs en actes, les savoirs d'action passe par l'élaboration d'un ensemble de démarches et d'outils adaptés et pertinents. Or, la nature complexe de cet objet d'étude et/ou d'analyse suppose la mise en œuvre d'une méthodologie cohérente favorisant les approches co-disciplinaires et multiréférentiées (Ardoino, 1966). Les échanges se font par co-disciplinarité, co-construction et co-élaboration. Cette expérience partagée permet de rompre avec les biais de l'enfermement disciplinaire de la pensée, ouvrant des voies nouvelles, souvent fécondes, dont l'appréhension de l'objet, de chaque points de vue, autorise à apporter des éléments d'analyse.

La réflexion portera également sur le niveau de généralisation admissible pour des connaissances localisées afin que ces savoirs puissent être transmis et utilisables sur d'autres territoires.

Une réflexion sur les outils les plus adéquats dans la transmission des savoirs décrits ci-dessus.

Nous faisons l’hypothèse que l’acquisition de ces connaissances nécessite :
- une temporalité longue,
- un enseignement sur le mode interdisciplinaire et transversal afin de répondre à la complexité des écosystèmes,
- une pédagogie qui intègre les sens puisque les savoirs empiriques sont, en partie, incorporés et construits dans un rapport sensoriel à l’environnement. (Delbos, 1983)
- une pédagogie qui intègre un contact avec “les choses, le réel donné, la nature” (Andréis et al., 2011). On rejoint la notion d’écoformation de Pineau, (1991).

Ces éléments se construisent dans la confrontation au milieu, ce qui amène une réflexion sur la place du terrain dans la pédagogie. Un de nos postulats est que l’appréhension du milieu par l’apprenant, et donc l’efficacité de son intervention sur ce milieu, est améliorée en articulant savoirs scientifiques et empiriques. Pour ce faire, une réflexion est menée depuis 2009 par Supagro Florac dans son projet “savoirs agro-écologiques” sur les interrelations entre pédagogie de savoirs académiques et pédagogie de savoirs empiriques. Par exemple, les caractéristiques des savoirs agro-écologiques ne coïncident que partiellement aux structures et au fonctionnement de la formation professionnelle agricole. L’enseignement y est segmenté en matières principalement structurées autour de savoirs académiques. Le temps d’enseignement reste court par rapport aux exigences de savoir-faire que certains métiers nécessitent. Les professionnel intervenant sur les territoires n’ont pas forcément reçu une formation adéquate ou n’ont pas les moyens nécessaires à une collecte de terrain. Il s'agira de réfléchir aux outils pédagogiques les plus adaptés pour faire dialoguer toutes ces conditions. Il s'agira notamment de questionner les démarches didactiques visant une forme d'enseignement dans le cadre de l'éducation formelle et les mécanismes de transfert de connaissances dans le cadre des éducations informelles et non-formelles.